Où sont vos armées ?
Pour engager une réforme profonde de la préservation des territoires et des écosystèmes, il faut et il faudra des mains. Où sont vos armées ?
Comment convaincre les représentants et les acteurs actuels de la nécessité d’un changement jugé par beaucoup comme trop radical sinon en montrant des exemples concrets, tangibles sur ces territoires. Cela fait 50 ans que le monde scientifique donne des signaux face à la voie jusqu’ici parcourue. Chaque année, les habitants s’éloignent imperceptiblement de la nature, poussés sans cesses vers une dépendance inéluctable vis-à-vis d’une minorité.
Aujourd’hui, les forces en présence sont déséquilibrées. D’une part, un fonctionnement productiviste chapeauté par des sociétés dont l’objectif est de maontenir voire d’accroître leurs revenus et dividendes et d’un autre côté, des citoyens et scientifiques qui constatent la dévolution de leur environnement et de leurs espaces de vie.
Le monde agricole, de plus en plus concentré entre des mains aux perspectives limitées à leurs bénéfices et ignorant que nous vivons dans un système global qui a eu plusieurs milliards d’années en recherches et développement pour affiner son évolution, n’est plus dans la capacité à offrir des alternatives s’il n’est pas accompagné par des armées d’acteurs de terrain. Où sont ces armées ?
Nous pouvons autant que nous le pouvons, manifester pour le climat et la biodiversité. Cela ne donnera pas de quoi vivre et nous nourrir d’ici quelques années. Il n’y a pas d’autre solution que de reprendre notre souveraineté sur nos territoires et de reconstruire un tissu local et résilient. Cette résilience passe par une reconnexion d’un grand nombre, à la terre, au vivant. Tout est pourtant fait pour éviter la reprise de cette souveraineté en assujettissant les habitants de ces territoires à des règles qui ignorent les mécanismes complexes de la nature. Où sont nos armées ?
Ainsi, il ne suffit pas de déclarer la nécessité de protéger une part importante de nos paysages pour que cela puisse se réaliser ! L’instinct de conservation de l’espèce humaine mène la plupart de ses membres à vouloir faire plier les règles du vivant à ses propres règles. La sagesse de s’intégrer plutôt que celle de s’imposer n’existent plus et demande à un grand nombre de s’atteler à s’inscrire, se fondre dans un tissu complexe et encore pleinement à découvrir. N’oublions pas non plus qu’il faut nourrir sainement ces humains. Or où sont ces armées ?
Beaucoup, entre autres et particulièrement dans nos sociétés occidentales, sont déconnectés de la terre. Et ce modèle est présenté comme évolution ultime ou passage obligé vers l’abondance et la liberté. Deux pistes semblent pouvoir contrecarrer cette tendance en remettant l’amateur, c’est-à-dire celui qui ne vit pas de sa production, au milieux des nos territoires. Il peuvent, passionnés voire simplement intéressés, apporter leurs divisions à ces armées.
La recherche et le développement demandent des ressources importantes non seulement en termes financiers mais aussi humains et ancrés sur les spécificités des territoires. Le deuxième effort à fournir est d’informer (ce qui se fait sans nécessairement les résultats escomptés) et former les acteurs professionnels à cette approche inclusive et humbles, véritables soldats rejoignant les divisions nécessaires au changement. Aujourd’hui, les professionnels rencontrent de nombreuses difficultés, dont celle d’un juste prix. Or, les pratiques, les techniques n’apportent pas l’efficacité de mère nature. Il est dès lors indispensable de travailler à l’amélioration de l’efficacité. Il ne s’agit pas de répéter la folie d’une productivité désincarnée sous peine de retomber dans la spirale mortifère de nos industriels. Il s’agit surtout de collaboration et pas de compétition. Combien, harassés par les difficultés, n’ont pas une réelle et sincère volonté de collaboration et de partage ? Dans ces conditions, comment oser imaginer des divisions ?
Ainsi, ces divisions, par l’exemple et l’action, apporteront la masse critique nécessaire à un changement profond dans notre place sur cette boule finie qu’est la terre et dans nos régions, villages, parcelles. L’exemple par l’action locale, résiliente, autonome souffrira de moins en moins des tentatives de récupérations, de capitalisation. Rendons nos territoires totalement libres et aidons nos semblables à rejoindre le monde du vivant, diversifié, autonome.
Nous parlerons de l’autonomie présentée par l’atelier paysan dans l’article concernant la Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA) et nous pensons qu’il est important de créer une structure pour favoriser l’indépendance des acteurs de terrain au même titre que l’indépendance en semences. Du “Hub Syntropique” au “Hub Foncier” en passant par le “Hub Logistique”, ces sujets ont été ou seront abordés dans d’autres articles permettant d’accroitre nos divisions et restaurer une résilience pour tous.
En occident, nous avons profités des largesses mondiales pour construire nos infrastructures, élaborer nos réseaux, créé nos systèmes politiques. Ne serait-il cynique et honteux de ne pas rendre ces fruits à la nature et à ceux qui ont été spoliés ? Ainsi, dans nos contextes, nous devons profiter de l’urgence temporelle pour restituer des « savoir être » et « savoir faire » qui respectent pour le moins l’environnement qui nous accueille. Après avoir montré la force de la nature pour rester abondante, la répartition des territoires entre ses habitants deviendra une évidence pour remplir nos armées de soldats. Naturellement, l’accès à la terre deviendra également un chemin d’évidences aidé par des outils adaptés et respectueux.
Utopie ? Non, juste qu’il faut se mobiliser pour mobiliser 😊